Accompagnement, Formation

Une deuxième promotion de diplômés au Groupement de Créateurs de La Réunion !

Une deuxième promotion de diplômés au Groupement de Créateurs de La Réunion !

Le Groupement de Créateurs Sud Réunion a été initié par la Mission Locale Sud Réunion, l’une des quatre Missions Locales de l’île. Il fait partie des huit Groupements de Créateurs ayant décidé de participer à l’évaluation nationale réalisée dans le cadre du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse, qui a pour objectif de mesurer l’impact des Groupements de Créateurs sur l’insertion et l’autonomie des jeunes.A l’occasion d’une mission de formation et d’accompagnement du Groupement de Créateurs de La Réunion au protocole d’évaluation, l’ANGC a rencontré les principaux acteurs impliqués dans le Groupement de Créateurs, à savoir l’équipe de la Mission Locale Sud Réunion, l’IUT de Saint-Pierre, les partenaires de la création d’activité, le Ministère de l’Emploi, mais aussi les jeunes ayant bénéficié du Groupement de Créateurs.

Régis Mériel, Directeur de la Mission Locale Sud Réunionexplique les raisons qui ont conduit la Mission Locale Sud Réunion à monter un Groupement de Créateurs :

« Nous sommes sur un territoire sinistré, avec plus de 50% de chômage des jeunes. On pourra toujours développer des équipes dédiées pour aller voir les entreprises, mais si les entreprises ne cherchent pas à recruter, on ne collectera pas d’offre d’emploi. Il y a néanmoins deux aspects sur lesquels on peut agir : l’emploi en mobilité et la création d’activité.
En matière de création d’activité, le développement de l’emploi à La Réunion peut aussi résulter des jeunes eux-mêmes. L’offre d’accompagnement à la création d’entreprise est assez bien banalisée à La Réunion, avec de nombreux opérateurs techniques (Boutique de Gestion, réseau France Initiative, etc.). En revanche, il manquait un accompagnement sur le volet émergence, pour accompagner les jeunes en amont, de l’idée au projet. C’est là que la Mission Locale a toute sa place. Tout jeune peut être porteur d’une idée ou d’un projet, qui deviendra une création effective d’activité ou pas, mais l’accompagnement à l’émergence de projet permettra au moins de développer son autonomie et de le « mettre debout »».

Souhaitant ainsi développer une offre de service d’accompagnement à l’émergence de projet, la Mission Locale Sud Réunion s’est mise en quête des démarches existantes et a identifié le dispositif Groupement de Créateurs. Fred Avril, responsable d’une des quatre antennes de la Mission Locale Sud Réunion, raconte comment s’est déroulée la mise en place du Groupement de Créateurs :

« La Mission Locale avait expérimenté dès 2007 une démarche visant à encourager les jeunes à s’exprimer, à imaginer des projets et à se mettre en mouvement : les comités jeunes. On a alors découvert une démarche pouvant s’inscrire dans la continuité de nos comités jeunes : les Groupements de Créateurs. Nous avons obtenu le soutien de la Direction du Travail pour la réalisation d’un diagnostic préalable, qui a été mené en 2008 à partir de nombreuses rencontres avec les  partenaires, le but étant de faire avec et non pas à côté. Le comité de pilotage de l’étude a établi d’une part qu’il était pertinent de mettre en place un Groupement de Créateurs et d’autre part qu’il était légitime d’en confier le portage à la Mission Locale Sud Réunion. Le rapprochement entre l’Université de La Réunion et la Mission Locale a permis de poser les bases d’un partenariat entre deux acteurs qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble. Les intervenants ont ensuite été formés par l’Association Nationale des Groupements de Créateurs (ANGC), puis nous avons recruté un chef de projet qui a eu pour responsabilité d’organiser la phase d’émergence et de finaliser la maquette de formation avec l’IUT».

Carole Mondon, chef de projet Groupement de Créateursnous présente le contenu et les résultats des deux premières années du Groupement de Créateurs :


« Le Groupement de Créateurs propose aux jeunes de les accompagner dans un accompagnement dans la réflexion sur leurs idées de création d’activité, d’entreprise, d’association ou autre. Une première phase d’émergence permet au jeune de réfléchir à son projet entre ateliers collectifs animés par les CEMEA et entretiens individuels. Pendant cette phase, il formalise son idée de projet, il l’étudie de manière à bien en comprendre les contours.
Par la suite il a la possibilité d’intégrer, s’il le souhaite, la phase de formation au Diplôme d’Université de Créateur d’Activité (DUCA) en lien avec l’Université de La Réunion, à l’IUT de Saint-Pierre.
La particularité de ce dispositif est qu’il est ouvert à tous les jeunes, y compris non bacheliers. Il n’y pas non plus de restriction sur le type de projet. L’année dernière on a accompagné des projets de fleuriste, maison de retraite, maison d’hôtes, magasin de vêtements, studio d’enregistrement… L’écoute est bienveillante. Il n’y a pas de projet qu’on ne peut pas écouter ni accompagner. »

Le Groupement de Créateurs n’a pas tardé à montrer sa pertinence : dès sa première année de lancement en 2009, la phase d’émergence a attiré 62 jeunes, qui ont pu travailler à la définition et la formalisation de leur projet. 18 d’entre-eux ont ensuite intégré la phase de formation, avec 100% de diplômés.
La démarche a également fait ses preuves en termes d’insertion professionnelle, avec 52% de situations positives, dont 10% par la création d’une activité, sur des projets d’une grande diversité : architecture d’intérieur, alimentation, musique, commerces, audiovisuel…
En 2010, ce sont 73 jeunes qui ont été accompagnés en phase d’émergence et 17 en phase de formation au DUCA, dont 16 viennent de recevoir leur diplôme début mai 2011.

Au-delà de son impact en termes d’insertion professionnelle, les conseillers de la Mission Locale qui ont orienté des jeunes vers le Groupement de Créateurs ont constaté de nombreux effets en termes de confiance en soi, d’autonomie et de prise d’initiative.

Pour Michelle Barbier, conseillère, « De nombreux jeunes ont des idées de création d’activité et ce que permet le Groupement de Créateurs, c’est que toutes les idées peuvent être entendues ».
Pour Judith Delgard, conseillère, « le Groupement de Créateurs permet aux jeunes de reprendre confiance en eux car ils osent aller rencontrer des partenaires qu’ils n’ont pas l’habitude de côtoyer, pour aller chercher l’information, et l’analyser.
Même s’ils ne créent pas immédiatement, les jeunes qui ont commencé à faire des démarches de création d’activité ne resteront pas sur le carreau, ils trouveront du travail, car ils ont l’information, ils ont des contacts avec des organismes, des structures…
Le Groupement de Créateurs permet aussi de développer leur autonomie de déplacement car dès lors que c’est pour leur projet, ils se déplacent non pas parce qu’on leur a dit de le faire, mais parce qu’ils n’ont pas d’autre choix pour chercher l’information nécessaire à leur projet ».
« Le Groupement de Créateurs rend les jeunes autonomes en leur donnant envie de bouger, de faire des choses, de moins avoir peur de la société qui les entoure et de leur environnement » explique Pascale Lebon, conseillère.
« Il y a matière à ce qu’on écoute plus les jeunes, ils ont plein de choses à dire, d’innovations à apporter. Il y a par exemple une jeune qui, avant que la lutte contre le décrochage scolaire devienne une priorité pour les pouvoirs publics, est venue en disant « Je veux monter une action pour aller dans les écoles pour aller dire aux élèves de ne pas arrêter l’école », une visionnaire.
« Pendant la phase d’émergence, les jeunes apprennent à se connaître, à identifier leurs difficultés et trouver les solutions par rapport à ces difficultés pour pouvoir avancer et arriver au but qu’ils se sont fixé. Les ateliers collectifs permettent aux jeunes d’apprendre à travailler ensemble, à créer un espace de solidarité, à sortir de leur cadre de copains habituel. »
« Souvent quand ils arrivent à la Mission Locale, les jeunes veulent changer d’orientation », constate Philomène Ah Nième, Chef de projet mobilité. « Ils restent au lycée, mais c’est souvent par défaut, ce n’est pas forcément la voie qu’ils ont choisie. Aussi, ils attendent de la Mission Locale qu’on leur donne un deuxième souffle, une deuxième chance d’orientation.
C’est notamment ce que permet le Groupement de Créateurs, où ils sont conduits à faire des choix, à prendre des décisions. Et dès lors qu’on dit à un jeune « tu es capable », cela lui donne confiance en lui car il se sent responsable de son projet. Le Groupement de Créateurs apporte un cadre dans lequel le jeune peut s’épanouir et se donner les moyens de réussir. Le fait aussi d’être avec d’autres est dynamisant, chacun se dit « je vais m’approprier cette idée et peut-être que ça va venir, et plus j’en parle, plus je mets des choses en place ». C’est comme cela que ça se passe : plus on s’approprie l’idée plus ça se concrétise. »

Et qu’en pensent les jeunes, qui sont les principaux acteurs du Groupement de Créateurs ?

Mélissa Nayagom n’avait pas de projet précis, à part ne pas rester sans rien faire. « Je voulais faire de la coiffure mais je n’ai pas réussi à trouver d’emploi, même en apprentissage. Ma conseillère à la Mission Locale m’a parlé du Groupement de Créateurs. Au début je n’avais pas vraiment de projet ni envie de créer mon entreprise. Puis j’ai réfléchi et je me suis dit que je n’avais rien à faire, je ne trouverais rien à faire, donc autant que je me mette dans quelque chose pour pouvoir acquérir des compétences et ne pas rester sans rien faire ».
A peine diplômée du DUCA, Mélissa sait dorénavant où elle va : « Mon projet est maintenant de faire de la vente à domicile de lingerie et de produits relaxants, tels que des crèmes de massage. L’étude de marché est en cours, l’étude de la concurrence est faite mais pour l’instant c’est encore dur de cibler ma clientèle. Je pense viser le Sud de La Réunion pour avoir moins de déplacements à faire. Je me suis inscrite pour passer mon Permis, j’ai obtenu une aide à la Mission Locale et j’essaie d’avoir d’autres aides pour le financer. »
Lire l’interview de Mélissa Nayagom
Matthias Collet, lui, est entré dans le Groupement de Créateurs avec un projet en tête : une résidence hôtelière. « La phase d’émergence m’a été très bénéfique car je suis arrivé avec beaucoup d’idées, que le Groupement de Créateurs m’a aidé à structurer, pour construire mon projet professionnel. Plus largement, le Groupement de Créateurs a développé ma vision de la vie. J’ai eu beaucoup d’échecs dans le passé, à l’école notamment où j’ai passé mon bac 2 fois, sans l’obtenir.
Je pensais que les études n’étaient pas faites pour moi. Or le DUCA m’a apporté ce que je recherchais : une formation à la fois théorique et pratique, avec des interventions de professionnels en comptabilité, marketing, ressources humaines, qui nous ont fait part de leurs expériences sur le terrain. Enfin, la phase de formation m’a permis de modifier mon projet pour qu’il tienne la route, notamment en ayant besoin d’un capital moins important que celui prévu au départ. »
Lire l’interview de Matthias Collet
Martine Bègue a repris confiance en elle pour assumer le projet qui lui tient à cœur depuis toujours : ouvrir une crêperie. « Avant je n’avais pas du tout confiance en moi. La phase d’émergence m’a beaucoup aidée, notamment le fait de voir qu’il y a d’autres jeunes qui ont les mêmes problèmes que moi, qu’on a tous des idées et que tout est possible.
Lors des ateliers collectifs il fallait parler, avoir confiance en l’autre, prendre sur soi. Il fallait aussi présenter son projet, se présenter soi-même, connaître l’autre. Au début c’était dur car je suis très réservée mais le fait d’être en groupe m’a permis d’avancer et d’oser prendre des initiatives. Aujourd’hui dès qu’il y a un truc qui ne va pas, je ne me laisse pas aller, je fonce. Le projet est là, et tant qu’il est là, je tiens ! C’est mon projet qui me tient la tête hors de l’eau ».
Lire l’interview de Martine Bègue
Patrick Techer a trouvé dans le Groupement de Créateurs l’appui méthodologique dont il avait besoin pour son projet de boutique de vêtements : « Le Groupement de Créateurs m’a aidé à savoir comment établir, planifier, comment sur une frise chronologique bien segmenter mon projet à partir de l’idée jusqu’à la concrétisation. D’un point de vue personnel je me sens beaucoup plus indépendant, plus réfléchi. Ça me permet de poser mes problèmes, mes problématiques, de bien considérer toutes les voies, toutes options possibles, de savoir où m’orienter.
Je ne suis pas encore prêt à lancer l’activité mais les bases sont posées. Maintenant je dois trouver les financements nécessaires pour créer le projet mais c’est en très bonne voie. On va dire que sur une base de 100 je suis à 70%. »
Lire l’interview de Patrick Techer

Et les perspectives ? quel est l’avenir du Groupement de Créateurs à La Réunion ?
« Chaque année, il est toujours difficile de trouver les financements nécessaires au fonctionnement du Groupement de Créateurs » regrette Régis Mériel, « c’est la raison pour laquelle l’évaluation dans le cadre du Fonds d’expéimentation pour la jeunesse est importante, afin qu’on ait des données objectivables à présenter aux financeurs, notamment au conseil régional, qui a financé la formation la première année mais s’est retiré la deuxième année. Aussi, même si la méthode d’évaluation est contraignante, la Mission locale Sud Réunion a souhaité participer à l’évaluation par solidarité avec le réseau national des Groupements de Créateurs, pour garantir que l’évaluation soit réalisable et établir des arguments scientifiques afin d’asseoir un financement pérenne. »